Le numérique moderne

De bien encombrantes machines

Dans l’article précédent, nous avons vu l’importance qu’ont eu les machines à calculer au cours de la Seconde Guerre Mondiale. Surtout du côté des alliés où elles ont servi à réduire drastiquement les temps de calculs. Toutefois, la construction de ces machines requiert d’importants fonds publics, ainsi qu’une technicité spécifique à ce nouveau domaine. Alors que les savoirs sont propagés (les machines sont exposées dans des écoles, les acteurs diffusent leur expérience [1][2]), il devient nécessaire d’améliorer ces monstres. En guise d’idée, le modèle le plus récent dont nous ayons parlé, l’EDVAC, occupe 46m², pèse près de 8 tonnes, utilise 6000 tubes à vide pour la modeste somme d’un demi-million de dollars (plus de 5 millions $ de 2018).

Plusieurs problèmes techniques brident les capacités de ces machines : les systèmes automatiques de programmation sont un facteur limitant à la vitesse de calcul, les tubes à vide sont peu résistants aux cycles d’utilisation, ou encore les coûts des salariés programmeurs (programmation manuelle et débogage) qui tendent à rejoindre le prix d’acquisition de la machine [3].


Évolution et amélioration du matériel

Rapidement, des innovations techniques viendront résoudre ces problèmes. En 1948, aux Bell Labs (voir Note 1), est développé le transistor qui va révolutionner l’électronique [4]. Là où les précédents ordinateurs utilisaient des tubes à vide, volumineux, gros consommateurs d’électricité, générant beaucoup de chaleur et moyennement résistants ; le transistor est petit, peu consommateur, et surtout beaucoup plus résistant aux cycles d’utilisation. En outre, il est possible de les produire en masse et de les miniaturiser.

Dans les années 1950, I.B.M développe le langage « FORTRAN » (FORmula TRANslation) qui implémente les fonctions de branchement conditionnel (commande IF) ou de bouclage d’instruction (commande DO). Ces structures de contrôle sont basées sur des conditions booléennes, variables à deux états Vrai ou Faux, nommées d’après Georges Boole (dont nous avons parlé ici). Ce niveau d’abstraction dans le langage réduit la complexité du codage, et surtout le temps dévoué à cette tâche. Par ailleurs, I.B.M se lance dans la production de ses premiers ordinateurs, dont le 701 [2][3], et les solutions de stockage magnétique, que j’aborderai dans le prochain article.


Les premiers Personal Computers (P.C.)

Un nouveau pas est franchi au début des années 1970, avec la commercialisation du micro-processeur 4004 [5] par une très jeune firme fondée en 1968, Intel. Ce composant électronique contient plus de 2000 transistors intégrés sur une surface de quelques cm², et devient la pièce dédiée au calcul dans un ordinateur.

Outre la miniaturisation qui entraîne une diminution de la taille des ordinateurs, le microprocesseur permet, entre autres, un gain significatif en terme de vitesse de fonctionnement ou de coûts de production. Dans les années 1980, les ordinateurs deviennent personnels [2]. Auparavant réservés à de grosses structures privées car coûteux et produits de niche, ils deviennent plus accessibles financièrement au grand public, et de nouvelles applications en font un outil plus polyvalent. Sous l’impulsion d’ I.B.M, ce marché s’ouvre alors au public, et l’on voit le taux d’équipement en ordinateurs des foyers grimper tout au long de la décennie, jusqu’à nos jours [6]. Deux petits acteurs de l’époque rencontrent le succès en participant à ce mouvement, et sont devenus aujourd’hui parmi les plus grandes entreprises au monde. La première se nomme Microsoft, et concevait à l’origine un système d’exploitation, le MS-DOS, pour I.B.M (encore eux). La seconde se nomme Apple et proposait à la fois un système d’exploitation et un ordinateur, le plus fameux étant le MacIntosh [2].

Les années 1980 voient également l’expansion du jeune secteur des jeux-vidéo, dont la croissance trop rapide générera une bulle,  qui explosera en 1983. Le secteur rebondira au Japon, qui reste aujourd’hui encore un des principaux acteurs mondiaux, avec Nintendo, ou plus récemment Sony.


Le numérique moderne

Les années 1990 consacrent le développement de l’Internet public (voir Note 2), qui permet de connecter les utilisateurs d’ordinateurs entre eux, mais également à des sites dédiés (activité économique, messagerie, consultation d’informations) [7]. De cette époque jusqu’à maintenant, nous constatons l’apparition de nombreux services associés, que ce soit dans le recensement et les moteurs de recherche (par exemple : Yahoo, Google), les réseaux dits « sociaux » dans les années 2000 (comme Facebook ou Twitter), messagerie, plate-forme de visionnage en ligne, de partage de contenus, de stockage en ligne, etc… Enfin, les avancées dans la téléphonie aboutissent à la commercialisation des téléphones mobiles dans les années 1990, jusqu’à l’avènement du smartphone en 2007 avec l’Iphone. Bien que n’étant pas le premier smartphone, il est emblématique de l’avancée technologique en cours. Un simple téléphone devient alors un objet technologique multifonction, combinant, entre autres, appels vocaux, messagerie, un appareil photo et une caméra, un magnétophone, un lecteur de musique, la navigation sur Internet, un GPS (voir Note 3) ainsi qu’un écran tactile.


Nous constatons ainsi une sidérante évolution du matériel informatique en l’espace de seulement  70 ans. Les premiers ordinateurs des années 1940/1950 demandent une pièce entière pour les accueillir, pèsent plusieurs tonnes et coûtent quelques millions de dollars. De nos jours, un simple téléphone portable tient dans la poche, pèse quelques centaines de grammes et coûte quelques centaines de dollars. En plus de leur miniaturisation, les ordinateurs ont connu une croissance faramineuse de leurs capacités. Lors du prochain article, nous nous intéresserons à l’évolution de ces capacités techniques, transformant de géantes machines à calculer en de petites machines capables d’émuler un monde virtuel. Nous étudierons deux composants majeurs d’un ordinateur, à savoir : le microprocesseur et le disque dur. Le premier donne une bonne mesure des capacités de calcul (même s’il n’en constitue pas le seul critère), le second représente les capacités de stockage. Nous aborderons également les moyens de faire communiquer les machines entre elles, et comment de nouvelles applications sont nées de ces améliorations.


Sources

[1] https://mitpress.mit.edu/books/moore-school-lectures

[2] http://www.computerhistory.org/timeline/computers/

[3] Vicenç Torra, Del ábaco a la revolución digital: algoritmos y computación, 2010

[4] https://patents.google.com/patent/US2524035

Note 1 : Les Bell Labs forment un grand centre de recherche américain sur les télécommunications, crée par Alexandre Graham Bell (le père du téléphone). En 1887, il forma ce centre de recherche grâce à un prix reçu du gouvernement français pour son invention du téléphone. A l’origine de nombreuses améliorations dans les télécommunications, ce ce centre a appartenu à différentes firmes de ce domaine, comme AT&T (opérateur téléphonique historique américain), Alcatel-Lucent ou de nos jours Nokia. De nombreux personnages importants dans l’histoire des sciences ou de la technique sont issus de ce centre, dont de nombreux prix Nobel, ou encore Claude Shannon dont nous parlerons plus tard.

[5] https://www.intel.com/content/www/us/en/history/museum-story-of-intel-4004.html

[6] Document disponible à l’adresse : https://www.census.gov/content/dam/Census/library/publications/2017/acs/acs-37.pdf

Note 2 : Internet (pour International Network) est un réseau de communication issu d’un projet de réseau militaire développé dans les années 1960, l’ARPANET, qui fut progressivement adapté pour un usage public.

[7] Nikos Smyrnaios ; Les GAFAM contre l’Internet, une économie politique du numérique, 2017

Note 3 : Le GPS (pour Global Positionning System) est également une technologie militaire dont l’usage devient public à la fin du XXème siècle.

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Internet : http://www.ordecom-formation.com/numerique.php
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Iphone : Fiche produit sur Apple.com

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