Depuis l’après guerre et la période de reconstruction qui s’en suit, la plupart des pays occidentaux adopte des outils économiques afin de guider et d’évaluer leur développement, en continuation de la Révolution Industrielle débutée il y a plus d’un siècle. Afin de dresser un bilan comptable de l’économie nationale, ces pays se dotent d’un indicateur représentant la richesse du pays, le Produit Intérieur Brut (PIB), mesure agglomérée des forces productives de la nation. Les pays d’Europe de l’Ouest, alors ravagés par la 2nde guerre mondiale, rebondissent, soutenus par une forte relance des processus de reconstruction des bâtiments, des infrastructures, d’aménagement du territoire, d’équipement des foyers (télévision, voiture, réfrigérateur, four, machine à laver, etc…). Cette période, que l’on nomme les « Trente Glorieuses » voit l’apparition de plusieurs avancées sociales (retraites, sécurité sociale), d’un confort matériel, d’une refonte de la distribution dans le territoire (l’exode rural). Tout cela contribue à la croissance du PIB, qui lui même traduit un mélange de l’activité de production d’un pays, de ses « richesses », et sur lequel repose toute politique publique. Ce PIB augmente globalement de manière exponentielle depuis plus d’un siècle, avec une très nette accélération dans les années 1950, et l’essor fulgurant des activités reposant sur l’usage de pétrole.
De nombreuses critiques sont adressées contre cet indicateur et sur ses limites. D’autres sont orientées sur la nature des facteurs de production qui sont mesurés par cet indicateur. De nombreux travaux apportent un regard argumenté sur les nombreuses failles et biais de ces instruments. Ces aspects sont largement couverts par des documents dédiés à la question, et nous laisserons tout loisir au lecteur de parcourir ces études (voir sources, par exemple). Dans le cadre de cet article, nous ne remettrons pas en cause la nature du PIB, ni des facteurs de production ; nous nous contenterons d’utiliser la notion communément admise et d’en tirer des conclusions logiques à partir d’une approche bio-économique, mêlant systémique et biomimétisme.
Nous pouvons nous poser la question de l’aspect bénéfique de cette croissance sans fin du PIB : est-ce toujours un but positif à atteindre ? Cette question, bien qu’extrêmement pertinente, est généralement balayée du revers de la main, avec des arguments peu convaincants : « Ne pas vouloir la croissance, c’est être rétrograde, contre le progrès et désirer l’écroulement de nos sociétés ». Rien que ça. Pourtant, avec la croissance du PIB et des forces productives de nos pays s’accompagne une pléthore d’effets secondaires néfastes. Ceux-ci prennent une place toujours croissante, parallèle au développement économique de l’Homme. Ces effets secondaires sont eux aussi exponentiels car liés à la croissance exponentielle de nos sociétés. Cette « Grande Accélération » concerne les rejets de gaz à effets de serre (CO2, NO2, CH4) qui entraînent un réchauffement rapide de la température moyenne de notre planète, ainsi qu’une acidification des océans. Les terres sont domestiquées pour étendre nos villes et construire de nouvelles infrastructures, la biodiversité perd de nombreux habitats, les forêts sont brûlées pour établir de nouvelles cultures, souvent des monocultures. Du côté socio-économique, on remarque des tendances similaires concernant l’utilisation d’énergie primaire (corrélée à la croissance économique), l’explosion de la population mondiale, des transports ou encore du tourisme international. L’utilisation d’eau ou d’engrais poursuit un chemin similaire, grimpant de façon exponentielle.
Toutes ces tendances ont un lien commun : le développement économique exponentiel de l’Humanité. Bien qu’il soit très inégal entre les pays, et au sein d’un même pays, ce développement entraîne de multiples pollutions de même ordre : de l’extraction de ressources naturelles (hydrocarbures ou métaux), à l’activité économique (plastiques, chaleur, gaz) en passant par les aspects alimentaires (engrais, pesticides), sanitaires (détergents), médicaux, militaires ou cosmétiques, auxquelles nous pouvons rajouter les pollutions sensorielles (visuelles, auditives, olfactives).
Parmi toutes ces désastreuses pollutions, la plus inquiétante reste celle du changement climatique, provoqué par les rejets inimaginables, dans l’atmosphère, de gaz à effet de serre issus de l’activité humaine. Un effet secondaire dramatique parmi la multitude de ces pollutions existantes. Non seulement les effets catastrophiques touchent l’Homme (salubrité de l’eau, de l’air, des sols, perte de fertilité des sols, maladies pulmonaires, cancers, maladies cardio-vasculaires, troubles endocriniens, etc…) mais elle touche aussi les autres êtres vivants, sans qui la majorité des processus économiques n’existeraient tout simplement pas.
A titre d’exemple et de rappel :
- les levures et les bactéries sont utilisées depuis des siècles pour les préparations de boulangerie et de pâtisserie (pain, pizza, pâtes), la fermentation alcoolique (vins, bières, whisky, etc…), la fermentation laitière et fromagère ou plus récemment la production biomédicale (comme les antibiotiques, l’insuline ou d’autres protéines recombinantes).
- les végétaux qui produisent les céréales (combustible vital pour l’Homme, 2/3 des terres cultivées dans le monde), les fruits, les légumes (tout aussi vitaux), les noix, les textiles, le bois pour le chauffage, la charpenterie, la menuiserie, ou le papier. Accessoirement, les végétaux remplissent des fonctions très utiles comme la fertilisation des sols, la filtration de l’eau, l’ombrage, la régulation de l’humidité, la protection contre le vent ou la production de dioxygène (vital pour les animaux).
- Les animaux qui remplissent tout autant de tâches utiles à l’activité économique, les insectes pollinisateurs, les chats protégeant les grains des rongeurs, les chiens protégeant les troupeaux contre les prédateurs, les animaux de ferme produisant du lait, de la laine, de la corne, du cuir, des œufs, des plumes, de la force de traction, de la viande ; ou encore les oiseaux dispersant les graines, transmettant des messages. N’oublions pas les êtres humains, qui font partie de la même famille.
Les résidus de l’activité économique ont donc des effets notoires et ravageurs parmi le Vivant, qu’il soit bactérien, végétal ou animal. Ils empoisonnent les populations d’êtres vivants, contaminent les étendues d’eau et les sols en profondeur, jusqu’à atteindre les nappes phréatiques. L’activité économique elle-même saccage cette richesse naturelle, en massacrant les populations (surpêche, chasse, braconnage, destruction d’habitats) et favorise la rupture des équilibres trophiques établis depuis plusieurs millénaires, ce qui modifie profondément la dynamique des systèmes voisins ou dépendants. La croissance économique provoque des effets secondaires dévastateurs et toxiques sur le Vivant et l’Humanité, de façon semblable à un poison.
Qu’est-qu’un poison ? C’est une substance néfaste pour un organisme, qui va provoquer des dysfonctionnements et l’amener dans un état de déséquilibre, de douleur, de désolation. Cette notion fut étudiée par l’un des pères de la pharmacologie et de la toxicologie moderne, un médecin et alchimiste du XVIème siècle surnommé Paracelse (Theophrastus Phillipus Auroleus Bombastus von Hohenheim). Son travail sur la toxicité se résume souvent par la maxime : « C’est la dose qui fait le poison ».
« Toutes les choses sont poison, et rien n’est sans poison ; seule la dose fait qu’une chose n’est pas poison »
En effet, tout composé peut se révéler toxique. C’est sa dose, sa quantité, sa concentration qui va provoquer des effets sur un organisme. En dépassant un certain seuil, on enclenche les effets délétères du composé, effets qu’il ne possédait pas quand sa dose était plus faible. Encore aujourd’hui nous appliquons ce procédé en pharmacologie, puisque la plupart des médicaments que nous utilisons sont des poisons, dont nous maîtrisons avec une extrême précision la dose, afin de bénéficier des effets avantageux, et de se préserver des effets délétères (les effets secondaires). Tous les éléments, aussi vitaux soit-ils, sont potentiellement des poisons toxiques pour l’organisme.
Par exemple, l’eau, le dioxygène ou encore les glucides sont des éléments vitaux pour le corps humain. Une consommation excessive d’eau (hyper-hydratation) entraîne rapidement des chocs osmotiques, des troubles rénaux et des dégâts neuronaux menant à la mort. Un excès de glucose sanguin (hyperglycémie) caractérise le diabète, qui peut mener à des défaillances multiples des organes jusqu’à la mort de l’individu. Bien que n’étant pas un composé, la chaleur est un mécanisme vital qui suit les mêmes règles. Un excès de chaleur (hyperthermie) se révèle létal pour des variations pourtant faibles : la température normale de 37,5°C devient une hyperthermie quand elle augmente vers les 39°C. Ainsi va pour de nombreux paramètres physiologiques dont les niveaux sont maintenus dans une mince fenêtre de valeurs. Si les niveaux sont trop faibles, le corps ne survit pas. Si les niveaux sont trop élevés, le corps subit des dégâts et arrête de fonctionner.
Les êtres vivants sont donc très prudents avec les éléments qui les composent, ainsi que ceux qui les traversent. Pour contrôler la potentielle toxicité de ces différents composés, un organisme doit en permanence pouvoir les mesurer, obtenir de l’information sur leur dose, et gérer en fonction des besoins. Ce contrôle de l’information emploie deux processus que l’on nomme des rétro-actions, phénomènes fondamentaux en cybernétique (discipline qui étudie le contrôle de l’information dans les systèmes complexes). Tous les systèmes vivants sont dans un état d’équilibre dynamique, qui va leur permettre de survivre dans un environnement lui aussi dynamique. Cet équilibre doit être maintenu sous peine de ne plus être adapté à son environnement, et donc, de périr. Tout au long d’une journée, des éléments dynamiques de l’environnement, ou encore du fonctionnement de l’organisme vont engendrer des phases de déséquilibre. Celles-ci vont provoquer des perturbations qu’il faut absolument rétablir, afin de revenir à cet état d’équilibre initial.
Pour cela, les systèmes complexes utilisent les rétro-actions (ou feed-back) qui leur fournissent un outil de contrôle sur l’information de déséquilibre et la nature de la perturbation. Le feed-back négatif est le plus répandu : il corrige le déséquilibre et retourne généralement le système à son état initial.
Le second feed-back est bien moins répandu : le feed-back positif. Il a la fâcheuse tendance à accentuer et amplifier les déséquilibres, ce qu’un organisme vivant doit éviter à tout prix (sauf dans des cas très restreints). Il est donc extrêmement encadré, afin d’empêcher tout emballement. Quelques exemples : le larsen, l’opéron lactose ou encore les explosions.
Graphiquement, la représentation de ces deux mécanismes donne des tendances bien distinctes, avec une accélération exponentielle dans le cas des rétro-actions positives, et un équilibrage autour d’une valeur (ou fenêtre de valeurs) dans le cas des rétro-actions négatives.
Une pléthore de mécanismes auto-correcteurs de rétro-contrôle maintient l’organisme dans un état stable d’équilibre que l’on nomme « homéostasie ». C’est l’état dans lequel vous n’avez pas soif, ni faim, ni trop chaud, ni trop froid etc… Les mécanismes de votre corps stabilisent et corrigent en permanence les déviations et perturbations qui peuvent affecter votre corps. Comme je l’expliquais plus haut, de nombreux paramètres sont sujets à ce contrôle vital des doses, comme le pH, la température, la concentration en diverses molécules comme le glucose, le calcium, le sodium ou encore le CO2. Si les niveaux faiblissent, l’organisme risque de ne plus fonctionner et il faut provoquer des comportements afin de remonter ces niveaux. Si les niveaux augmentent, il faut à tout prix juguler cette montée afin d’éviter une toxicité, et retourner aux valeurs d’équilibre initial. La faim, la soif, la thermorégulation, la respiration ou encore l’excrétion sont de puissants moyens de régulation de ces niveaux.
Si nous revenons aux conséquences de l’activité économique sur l’environnement, celles-ci provoquent des déséquilibres toujours plus puissants et nombreux sur les organismes. La croissance est un état instable qui s’amplifie, devenant toujours plus nocif et mortifère. De plus, comparer la croissance des années 1960, des années 1990 et celles des années 2010 n’a aucun sens, puisqu’elle repose sur des bases totalement différentes. Faire grandir l’ensemble des forces productives d’un pays en reconstruction, dans un élan technologique rapide, avec l’essor de nouveaux modes de production reste incomparable à la croissance d’un pays à maturité, qui ne connaît qu’un déploiement technologique ciblé. Il faut bien plus de ressources pour augmenter de 3% un PIB à 2000 milliards, que de 3% un PIB à 300 milliards, puisque l’on suit une tendance exponentielle. Bien qu’elle ait été utile dans un contexte d’après guerre, pour la reconstruction et pour l’amélioration des conditions de vie, la croissance a atteint un seuil (et ce, dès les années 1970-1980) où les effets secondaires qu’elle provoque s’amplifient. Elle est donc devenue un poison qui détruit petit à petit les bases même qui la fondent, poison d’autant plus virulent qu’il fut alimenté de vagues de dérégulations le renforçant. Les dérégulations sont un moyen de faire sauter les verrous de régulation, les rétro-actions négatives. S’il n’y a plus de contrôle, le système peut croître sans limites apparentes. La croissance économique se caractérise donc par sa tendance exponentielle, auto-alimentée par des rétro-actions positives.
Hors, ces phénomènes sont connus pour être limités par deux contraintes : un manque de ressources pour soutenir le phénomène d’auto-alimentation croissante et/ou un empoisonnement du phénomène par les sous-produits générés. Le seul moyen de reprendre contrôle d’un système qui s’emballe dans une spirale de rétro-actions positive est d’instaurer des régulations (l’autre moyen étant d’attendre que le système détruise tout et s’éteigne de lui-même par manque de ressources/empoisonnement, comme une explosion).
Dans le cadre de cet article, nous avons abordé l’angle de la pollution et de la toxicité des résidus de l’activité économique, mais l’accessibilité en ressources est également un facteur limitant. Nos sociétés sont construites autour d’éléments non renouvelables, qui sont puisés, extraits et transformés dans des proportions exponentielles. Des défauts d’approvisionnement sont prévus pour le siècle à venir et pour de nombreux éléments d’importance capitale : pétrole, charbon, gaz, sable, phosphate, cuivre, or, argent, etc… Non seulement les concentrations faiblissent, mais la profondeur d’extraction augmente irrémédiablement, à mesure que l’on vide les mines les plus rentables. Nous voilà pris dans un effet ciseau : avec d’un côté une raréfaction des ressources, de l’autre un empoisonnement par les sous-produits de l’activité économique. Si nous continuons sur cette lancée, le phénomène de croissance s’éteindra par lui-même, emportant la Vie avec lui. Si nous voulons garder le contrôle de la situation, il est nécessaire de rajouter des régulations à cet état de déséquilibre avancé et meurtrier. Il est vital de ré-équilibrer nos sociétés en retournant à des niveaux de prélèvements qui ne dépassent pas les limites écologiques. Cela implique que nos sociétés doivent maintenir les différents paramètres sociaux et économiques entre deux bornes : une limite minimale des besoins humains et une limite maximale écologique.
Voici un exemple de paramètres sociaux, économiques et environnementaux à prendre en compte, ainsi qu’une définition des valeurs d’équilibre à attribuer à chacun, respectant les besoins humains (limite basse) et les limites écologiques (limite haute) :
Cette notion d’équilibrage entre deux limites se retrouve chez plusieurs groupes de recherche internationaux ; Johan Rockström et Will Steffen ont proposé un cadre d’étude sur les limites planétaires en grande partie dépassées :
Kate Raworth propose « l’économie du donut », qui rassemble des paramètres humains et environnementaux devant résider entre les deux limites sociales et écologiques. Leurs représentations sont semblables au schéma de l’homéostasie exposé précédemment.
Ces idées mènent également au modèle de croissance stable proposé par Herman Daly, Robert Constanza ou Tim Jackson, et déjà envisagé par les pères de l’économie David Ricardo et John Stuart Mill.
Dans ce court travail, nous avons utilisé l’aspect systémique de la bioéconomie, qui nous permet de placer l’environnement et le Vivant comme fondement de l’économique. Contrairement aux schémas classiques séparant l’économie de l’environnement, l’économie peut plutôt se percevoir comme le sommet d’une pyramide, dont la base est l’environnement. Sans ces fondations solides qui lui permettent d’exister, elle se désagrégerait pour disparaître. L’environnement constitue le socle fondamental au développement de la Vie. Sans lui, l’économie n’existe pas puisqu’il n’y a pas d’êtres humains. Ensuite, le Vivant qui permet à l’Humain d’éclore et de vivre dans un cadre bénéfique (air, eau, nourriture, protection, température, etc…). Sans le Vivant, l’économie n’existe toujours pas. Puis vient la formation de structures humaines comme les familles, les clans, les villes. Ces liens sociaux constituent la société qui peut supporter les échanges entre individus. L’économie dispose alors du terreau pour naître et se développer. Si nous continuons à négliger les effets destructeurs sur l’ensemble de la pyramide qui la supporte, les répercutions négatives sur les étages inférieurs mèneront à l’effondrement de la construction. Une manière stupide et aveugle de scier la branche sur laquelle on se tient.
Nous avons également abordé une autre facette de la bioéconomie, l’approche biomimétique, qui consiste à regarder le Vivant et à s’inspirer des structures, des fonctions ou des organisations éprouvées et sélectionnées pendant des milliards d’années. Apprenons donc des systèmes biologiques ; apprécions et imitons leur gestion des ressources limitées dans un espace contraint, grâce à la cybernétique qui leur permet de maintenir un état stable et de limiter les phénomènes toxiques et polluants.
Indubitablement, nos sociétés humaines devront adopter des mécanismes de régulation similaires, afin de retrouver des niveaux de soutenabilité conséquents, et réduire notre activité productiviste actuelle, destructive et néfaste. Le terme de décroissance, qui apparaît aujourd’hui comme péjoratif et pessimiste, appelle tout simplement à la raison : nous avons dépassé les limites environnementales et il nous faut revenir à des niveaux optimaux de stabilité systémique. Si la décroissance peut paraître choquante, cette démonstration vous aura présenté la vision bien plus égoïste et dévastatrice prônant la croissance à tout prix. Ce désir de croissance, qui peut être bénéfique et souhaitable dans un contexte précis et encadré, est aujourd’hui devenu un poison, une aberration, une imploration mystique et criminelle ; un désir de mort, de destruction du vivant. Même en admettant que le PIB est un instrument de mesure cohérent et pertinent du développement de nos sociétés (ce qui n’est clairement pas le cas), nous comprenons que son augmentation atteint des seuils toxiques. Mettons fin à ces idéologies passées, et redonnons le vrai sens aux mots que nous utilisons :
- la croissance économique, qui fut bénéfique au sortir de la guerre, est devenue un poison mortel que nous devons abolir. C’est un état instable, de déséquilibre, qui devrait être minutieusement encadrée, et qui n’a pas vocation à durer (sauf quand le système s’emballe). Les solutions pour la maintenir se relèvent utopistes : découplage PIB/ressources (qui n’existe pas, car les deux sont liés) ; optimisation de la productivité qui se perd souvent par effet rebond (et soumise à des limites physiques déjà proches) ; substitution des éléments (qui n’ont pas les mêmes propriétés chimiques, nous utilisons en priorité les plus rentables et les plus prometteurs) ou encore la fuite en avant technologiste (les innovations technologiques n’existent pas tout le temps, et demandent beaucoup de temps avant d’être déployées, si cela arrive un jour).
- la décroissance n’est pas une régression à des conditions de vies archaïques. C’est un rééquilibrage de notre activité dans les limites écologiques soutenables, en régulant les activités financières, économiques, industrielles, sociétales et politiques afin de les orienter vers un retour à l’équilibre environnemental. Tout comme la croissance, elle n’a pas vocation à durer et doit être subtilement encadrée. Il s’agit d’une homéostasie de nos sociétés, une écostasie, à l’échelle humaine, qui doit s’établir au niveau national et international, afin de préserver les précieuses et uniques conditions qui permettent à la Vie de se maintenir sur notre planète. Pour dissiper la connotation négative du terme « décroissance », il serait préférable d’employer le terme de rééquilibrage qui, comme je viens de le montrer, demeure bien plus adapté à décrire le processus de retour dans les limites environnementales durables pour le Vivant.
Compte tenu du peu de temps qu’il nous reste sur la problématique du changement climatique, ainsi que des nombreuses autres contraintes physiques et biologiques qui pèsent sur le Vivant (déplétion des ressources, pollutions multiples, extinction massive des espèces), il devient résolument urgent de travailler sur les nouveaux modèles économiques de demain, visant dans un premier temps un rééquilibrage dans les limites écologique, puis une refonte de nos sociétés vers une ère de post-croissance. Si quelques acteurs commencent à poser les jalons de cette étape que l’Humanité devra inévitablement franchir, il reste vital de soutenir cette démarche afin d’accompagner et de contrôler la difficile transition que nos sociétés auront à effectuer, dans un contexte contraint en ressources, et empreint de pollutions à gérer. Comme il est plus toujours plus facile d’adapter quand on connaît les règles ; un rééquilibrage contrôlé et maîtrisé, bien qu’inconfortable à première vue, est bien plus facile à gérer et à vivre qu’un effondrement subi et incontrôlable.
SUR LE PIB ET SES CRITIQUES
https://www.insee.fr/fr/information/2549709
https://ourworldindata.org/economic-growth
https://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/basics/gdp.htm
Arthur Keller, De la croissance à la soutenabilité forte, https://en.calameo.com/read/0050267375dde20e2eb9e
Mes précédents articles sur le sujet :
https://www.linkedin.com/pulse/climat-ressources-%C3%A9nergie-pollution-analyse-par-les-et-lavilley/
SUR LA SYSTÉMIQUE ET LA THÉORIE GÉNÉRALE DES SYSTÈMES
Ludwig von Bertalanffy, General System Theory, George Braziller, 1968
SUR LES CRITIQUES DE LA CROISSANCE/DÉCROISSANCE
http://www.decroissance.org/?chemin=insultes
http://www.constructif.fr/bibliotheque/2012-2/qu-est-ce-que-la-decroissance.html?item_id=3136
https://www.cairn.info/revue-interdisciplinaire-d-etudes-juridiques-2016-2-page-73.htm
Arthur Keller, De la croissance à la soutenabilité forte, https://en.calameo.com/read/0050267375dde20e2eb9e
SUR LA GRANDE ACCÉLÉRATION / ANTHROPOCÈNE
Steffen et al., (2015) ; The trajectory of Anthropocene : The Great Acceleration ; Anthropocene Review, 2, pp. 81–98
http://www.cnrs.fr/fr/la-grande-acceleration-atteint-des-sommets
SUR LES INÉGALITÉS
Thomas Piketty, Le Capital au XXIème siècle, Seuil, 2013
https://ourworldindata.org/global-economic-inequality
SUR LE MASSACRE DU VIVANT
https://ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-Fr
SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE
https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/09/IPCC-Special-Report-1.5-SPM_fr.pdf
SUR LES POLLUTIONS
www.écotoxicologie.fr et les nombreuses documentations quotidiennes sur les diverses pollutions
https://www.who.int/health-topics
http://www.fao.org/news/story/fr/item/1127210/icode/
https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/32245?locale-attribute=fr
SUR PARACELSE ET LA NOTION DE POISON
« Die dritte Defension wegen des Schreibens der neuen Rezepte, » Septem Defensiones 1538. Werke Bd. 2, Darmstadt 1965
Michael Neal, Pharmacologie médicale, De Boeck, 2017
SUR LA CYBERNÉTIQUE
Norbert Wiener ; Cybernetics : or control and communications in the animal and the machine, Camb. Mass. (MIT Press), 1961 [1ère édition, 1948].
William Ross Ashby ; An introduction to cybernetics, Chapman & Hall, 1957
Joël de Rosnay ; Le Macroscope, vers une vision globale, Seuil, 1972
SUR L’HOMÉOSTASIE ET LES EXCÈS PHYSIOLOGIQUES
Claude Bernard, Introduction à l’étude de la médecine expérimentale , J.B. Baillière, 1865
https://www.universalis.fr/encyclopedie/homeostasie/
Walter B. Cannon, The Wisdom of the body, W. W. Norton & Company 1932
Lauralee Sherwood, Physiologie humaine 3ème édition, De Boeck, 2015.
William Ross Ashby ; An introduction to cybernetics, Chapman & Hall, 1957
SUR L’EXTRACTION
Rapport de l’ANCRE (Alliance Nationale de Coordination de la Recherche pour l’Énergie), sur l’état des ressources minérales, et des stocks d’énergie. https://www.allianceenergie.fr/wp-content/uploads/2017/06/Ancre_Rapport_2015-Ressources_minerales_et_energie_0.pdf
Rapport de l’ADEME (Agence De l’Environnement et de la Maîtrise d’Énergie) sur l’épuisement des ressources, https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/epuisement-metaux-mineraux-fiche-technique.pdf
Philippe Bihouix, L’âge des low tech, Seuil, 2014.
SUR LES LIMITES SOCIALES ET ÉCO/ENVIRONNEMENTALES
Steffen et al., (2015) ; Planetary boundaries: Guiding human development on a changing planet ;
Science Vol. 347, Issue 6223, DOI: 10.1126/science.125985
Kate Raworth, Doughnut Economics: Seven Ways to Think Like a 21st-Century Economist, Random House Business, 2017
SUR L’ÉCONOMIE STATIONNAIRE
Herman E. Daly, Economics, Ecology, Ethics. Essays Towards a Steady-State Economy (2nd ed.). San Francisco: W.H. Freeman and Company, 1980
David Ricardo, « Letter to T. R. Malthus, October 9, 1820« , in Collected Works, Vol. VIII: p.278-9.
John Stuart Mill, Principles of Political Economy (1st ed.). Salt Lake City, 1848 UT: Project Gutenberg.
Tim Jackson, Prosperity without Growth: Economics for a Finite Planet, Routledge, 2011
Robert Costanza, John H. Cumberland, Herman Daly, Robert Goodland, Richard Norgaard, An Introduction to Ecological Economics, CRC Press, 1997
SUR LA BIOÉCONOMIE
Nicholas Georgescu-Roegen, The Entropy Law and the Economic Process, Harvard University Press, 1971
René Passet, L’économique et le Vivant, Economica, 2ème édition, 1996
SUR LE DÉCOUPLAGE PIB/RESSOURCES
Wiedmann et al., (2015) ; The material footprint of nations, Proceedings of the National Academy of Sciences May 112 (20) 6271-6276; DOI: 10.1073/pnas.1220362110
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Et la corrélation entre PIB et énergie : https://jancovici.com/transition-energetique/l-energie-et-nous/lenergie-de-quoi-sagit-il-exactement/
ou PIB et émissions de gaz à effet de serre (GES) : https://jancovici.com/changement-climatique/economie/la-croissance-economique-fait-elle-de-leffet-de-serre/
SUR LA PRODUCTIVITÉ
http://www.oecd.org/sdd/productivity-stats/oecd-compendium-of-productivity-indicators-22252126.htm
https://www.insee.fr/fr/statistiques/3567821?sommaire=3567845
Charles du Granrut, Le ralentissement des gains de productivité, La technologie au cœur des débats, dans Futuribles 2017/2 (N° 417), pages 61 à 78 (https://www.cairn.info/revue-futuribles-2017-2-page-61.htm)
SUR L’EFFET REBOND
William Stanley Jevons ; The coal question, McMillan and Co, 1866.
SUR LA SUBSTITUTION
N’importe quel livre de chimie première année